| CYCLE - LE NOIR EST LA COULEUR DU LANGAGE- INFOGRAPHIE,LIVRE,CD-ROM© Christian Paraschiv / 1981 - dialogue
            avec Ion Grigorescu
 
 C.P : Quand je me propose d'effectuer un travail
 je visualise aussi bien le processus que la partie pratique de
            la démarche.
 Je tiens compte de la quantité "réalisable"
            du projet
 car toutes nos idées ne sont pas optimalement exposables.
 Elle ne sont pas toutes aussi utiles à l'art et donc toutes
            les formes ne sont pas employables.
 I.G : Qu'est ce que tu veux dire par l'expression "présence
            visuelle"?
 C.P : Je fais allusion à l'idée communiquée,
 à la quantité d'informations contenue dans l'image
            du sucre ou de l'encre ...
 I.G : Mais une graine de terre ou une graine cachée n'est
            pas une" présence visuelle" ?
 La présence visuelle" implique-t-elle pas un observateur,
            une vue?
 N'est elle pas une image exposée en soi?
 C.P : Elle l'est parce qu'elle implique un observateur avisé.
 I.G : Tu fais référence à notre milieu,
            celui des plasticiens?
 C.P : À l'instant ou je présente mon travail dans
            une exposition,
 la possibilité de communiquer que je me suis proposé,
            commence à l'endroit même.
 Le paradoxe fait que ma présence là n'est pas nécessaire
            pour que l'acte s'accomplisse.
 Le problème est de savoir si dans ce que j'ai produit
 il existe réellement une partie de moi-même
 car le transfert peut être simplement mimé ou prévu.
 Tu réfléchis et tu mimes quelque chose qui ne t'appartient
            même pas
 ou alors tu te proposes d'utiliser un langage qui n'implique
            pas ta personnalité,
 un langage totalement neutre.
 Bien sur que nous avons à faire avec un faux problème.
 Un tel langage n'existe pas.
 D'une façon ou d'une autre le langage subit ton intervention.
 Ne serais que le fait d'être utilisé par toi à
            ce moment précis
 lui donne une particularité collée sur ta séquence.
 N'empêche que mimer la personnalité d'un autre,
 ça peut aller dans l'art. si on se propose un résultat.
 Si non la démarche est vaine.
 Dans mon travail, j'essaye d'aller sur la main de quelqu'un d'autre
 sans mettre une trop grande quantité de personnalité
            dans le langage de la photographie.
 Ce langage je le traite, je l'exprime dans ses donnés
            dans ses restrictions intimes
 sans que mon intervention ne soit visible instamment.Elle doit
            se réveler ensuite.
 I.G : Bien.....mais si tu parle du langage de la photo et tu
            dis ensuite :"Je veux l'exprimer", tu exprimes quoi
 C.P : Le langage.
 I.G : Ne serait-ce pas le doubler ?
 C.P : Dans quel sens?
 I.G : Toi, tu as ton langage et la photo,le sien.
 Toi tu es Homme, elle est procédé.
 C.P : Et ce procédé m'impose des restrictions.
 I.G : Je comprends. La photo a un langage mais pourquoi est-ce
            toi qui dois l'exprimer
 puisqu' il s'exprime de lui-même !
 C.P : Tant mieux car mon idée va dans ce sens!
 I.G : Dans le sens de la vie?
 C.P : À peu près parce qu'en parlant de mon travail
            la quantité d'intervention augmente alors
 que c'est justement ça que je m'efforce d'éviter.
 Dans l'objet qui présente la segmentation d'une image
            dans de bien plus petites séquences,
 j'ai essayé de ne pas être présent dans la
            communication.
 L'image, sectionnée dans des centaines de carreaux s'exprime
            comme globalité de l'image intégrale.
 C'est sur l'image sectionnée (qui est un double) que mon
            intervention porte et non pas sur l'image initiale. Mon intervention
            s'opère sur le langage du double.
 I.G.:-La photo a sa façon de parler qui diffère
            de celles connues auparavant.
 C.P.:-Nous pouvons agrandir un détail et le système
            "pixels" avec des taches lumineuses,paraît.Si
            nous transposons le détail dans l'ensemble,les choses
            se compliquent.Nous n'avons plus à faire avec de simples
            points lumineux.Dans un certain sens la quantité d'information
            sur l'unité de surface augmente.Plus on a à faire
            avec le profond de l'image,plus le nombre de points grandit et
            plus l'information croit.
 C.P : Un détail de la photographie a une autre signification
            suivant qu'il est inséré dans une micro ou une
            macro photographie.Ce qui change c'est son système de référence.
 Dans quelques uns des mes travaux
 j'essaye de mettre au premier plan le changement du système
            de référence.
 Byron a été accusé d'inceste à l'égard
            de sa belle soeur Augusta.
 Ce type de mésalliance, en famille, peut se passer dans
            l'alliance entre l'image et la nature.
 Il est normal de dire que la photo dure, que la nature dure
 mais je me demande si la photo (ce moment donné naturellement
            ) est investie avec les qualités de la durée (ne
            s'agissant pas ici de la durée physique).
 En regardant une photo d'avant 1900 j'éprouve une sorte
            de nostalgie incestueuse,
 nostalgie du moment conservé "d'après nature
            ".Les peintres impressionnistes prétendaient peindre
            "d'après nature ", alors qu'ils travaillaient
            "de tête".
 Je pense qu'on ne peut pas travailler d'après nature en
            utilisant un langage qui est contraire à la nature.
 La photo est près de la nature mais en même temps
            incestueuse.
 I.G : D'accord mais le parallèle ne résiste pas.
            Si les impressionnistes travaillaient "de tête",
 l'appareil photographique travail d'après une technologie
            qui lui est intrinsèque.
 C.P : Oui,mais notre réflexion porte sur le résultat.
 I.G : Je crois que l'inceste dont tu parles est bien illustré
            par Kossuth qui range une chaise,
 son image et une photo du mot prise dans un dictionnaire.
 C.P : Oui,l'exploit est conceptuel et explicite.
 I.G : Ou alors comme Gerz qui s'expose avec sa photo.
 C.P : C'est ce que j'ai voulu avec le transfert d'image sur le
            poivron rouge.
 I.G : Le transfert est une chose et le doublement de la réalité
            dans son image en est une autre.
 Ca tient de la logique,du concept et en étant frappé
            par l'évidence de la relation incestueuse entre l'image
            et la réalité tu fais autrement ,
 différemment quelque chose qui est fait par tous.
 On passe au delà du double banal.
 C.P : C'est pourquoi j'affirme que c'est un acte incestueux.
 Une sorte de dichotomie apparaît,de méprise,de brouillage
            de message dès que je commence à décrypter
            l'image d'une brebis .
 Ses éléments passent dans la plante et ainsi de
            suite.
 L'inceste est dans cette récurrence dans la relation avec
            la belle soeur et de ce fait pas tellement condamnable.
 I.G : Vu comme ça rien n'est condamnable.
 L'inceste vit dans l'homme tout comme le complexe d'Oedipe. Nous
            l'avons tous mais il fait surface chez certains seulement.
 Parle moi des incestes de l'image.
 C.P : Il y a une sorte de trouble dans le mot inceste.
 I.G : Ca t'interpelle?
 C.P : Les choses semblent des doubles, comme à la T.V,
            alors que nous devons les simplifier,
 les faire communiquer directement.
 Mes travaux partent d'un thème donné, pris dans
            la nature.
 Leur vie est liée à celle de quelques animaux de
            la nature qui deviennent autres.
 Question logique: qu'est-ce qu'ils deviennent?
 
 
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